Évaluer autrement

Évaluer est une nécessité. Cependant, lorsqu’on choisit de faire des classes qui sont des groupes d’enfants de même âge et non forcément de même niveau, lorsqu’on choisit de privilégier la vie du groupe, il est logique de choisir de ne pas établir de hiérarchie entre les enfants ou entre les matières.

Chaque individu étant différent des autres, il est souhaitable de miser sur les aspects positifs de sa personnalité et de donner aux différentes matières des importances non hiérarchisées.

Il n’y a pas d’échéance rigide à tenir, ni de modèle à atteindre. Au travers d’un milieu-classe aussi riche que possible, l’enfant, reconnu dans son affectivité, avec ses tâtonnements, son questionnement, son rythme personnel, va pouvoir développer ses capacités et être pris en compte. Ce qu’il convient d’évaluer, c’est non pas l’individu mais son grandissement, ses acquis, ses capacités de travail, ses aptitudes particulières de réussite dans tel ou tel domaine.

Comment évalue-t-on ?

Au quotidien

L’évaluation doit permettre à l’enfant de s’évaluer lui-même en fonction de la tâche à accomplir. A la faute, nous préférons l’erreur.

Se tromper n’est que la marque des difficultés qu’un enfant peut rencontrer pour apprendre les choses du monde: c’est pourquoi l’évaluation ne doit pas être perçue comme le constat d’un échec. L’enfant engagé dans une activité essaie de répondre à partir de ses connaissances et en fonction de ses moyens aux questions qui se posent à lui. L’enseignant suit sa démarche, l’aide à mener à bien la tâche qu’il s’est fixé et intervient si l’enfant risque de se placer dans une situation d’échec. Le dialogue qui s’établit alors entre l’enfant et l’adulte est un échange de points de vue, une mise au point, un réajustement mais jamais un jugement définitif.

L’adulte commente, apprécie, juge des travaux partiels en tenant compte des choix de l’enfant, de ses possibilités,  de son rythme, de ses acquis. Ainsi les critères d’appréciation deviennent communs; l’enfant n’a plus à redouter le  regard de l’adulte.

Le but est de valoriser une initiative ou de mettre à jour une erreur et non pas d’amener l’enfant à se conformer à une norme ou de lui imposer une solution qui ne correspond pas à sa propre démarche.

C’est pourquoi toute appréciation, toute évaluation des produits des enfants ne peut se traduire par un système de notations. Une note introduit un jugement de valeur et indirectement une norme, attache plus d’importance au résultat qu’au cheminement et aux étapes franchies, refuse la différence des rythmes des enfants, les place dans une compétition où seule est prise en compte la rentabilité et ne peut aboutir qu’à l’exclusion de certains moins «performants».

Le regard de l’enseignant juge certes, mais avant tout pour montrer à l’enfant qu’on s’intéresse à ce qu’il fait, qu’on l’écoute, qu’on le considère, qu’on lui fait confiance.

Au niveau des familles

L’évaluation se fait d’abord au cours de réunions d’enseignants où sont échangées et analysées les observations   des divers comportements.

En primaire, un bilan interne est rédigé à mi-année et complété en fin d’année scolaire. Plusieurs rendez-vous sont organisés en cours d’année avec chaque famille et en présence de l’enfant afin de faire régulièrement le point.

Au collège, un bulletin trimestriel est donné. Ce bulletin sans note chiffrée est composé d’appréciations écrites. Celles-ci n’évaluent pas seulement un résultat (connaissances et savoirs faire), mais disent aussi les intérêts de l’enfant, ses capacités à travailler seul et au sein d’un groupe, et tiennent compte de sa démarche personnelle. Elles portent obligatoirement sur chaque matière et sur chaque module, ce qui permet de tenir compte de l’ensemble des situations de travail proposées.

Le bulletin est unique et complété à chaque trimestre, il permet d’avoir en fin d’année une vision à la fois globale et progressive de l’enfant.

Le bulletin parvient aux familles à la fin de chaque trimestre par l’intermédiaire de l’enfant à qui il est remis.

La dernière page du bulletin regroupe pour chaque trimestre une synthèse des appréciations rédigée par le professeur principal. Un espace est également réservé à l’enfant et la famille pour qu’ils puissent signer et éventuellement commenter les remarques des enseignants.

Des rendez-vous avec l’enfant, la famille et le professeur principal (et d’autres enseignants si besoin) ont lieu régulièrement.

Au niveau des classes

Plusieurs fois par an les réunions de parents et d’enseignants d’une classe permettent une évaluation de l’évolution du groupe, de son travail et des projets qui ont été menés.

Vis à vis des autres établissements

Les bulletins sont généralement acceptés par les divers établissements dans lesquels les enfants poursuivent leurs études. Dans certains cas, nous transmettons des notes chiffrées aux établissements qui en font la demande , notes traduisant le mieux possible l’évolution et le savoir scolaire du collégien.

Le moteur qui fait progresser n’est pas la compétition (l’enfant n’ayant pas à se situer dans une hiérarchie), mais l’envie de grandir. Cette absence de compétition soulève une question: les enfants qui grandissent dans un tel système sont-ils préparés à la compétition du monde du travail ?

En réalité on ne peut parler d’absence totale de compétition; l’envie de grandir des enfants les conduit à se mettre eux-mêmes en compétition. Mais celle-ci doit rester un moyen de se dépasser, de se comparer à soi-même, de se construire une autonomie face au travail.

Il va sans dire que l’adulte n’utilise aucun moyen d’exploiter cette compétition pour assurer son autorité.

Évaluer reste pour nous essentiellement un outil qui nous permet de mieux adapter l’école à l’enfant (par le choix des formes de travail) et aux enfants (par le choix des structures et l’adaptation des contenus).