Vues d’ici

La cour de Decroly avant les travaux

Cette année, j’avais organisé deux modules consécutifs sur les thèmes d’ici et d’ailleurs : lors d’une première période de module, les enfants ont travaillé sur le thème « ici » et lors d’une deuxième période, sur celui de « l’ailleurs ». L’idée était de mettre en tension les inspirations littéraires : savoir observer notre quotidien et ce qui nous entoure avec un regard neuf, pouvoir saisir les espaces lointains dans l’écriture. Chercher l’ailleurs de l’ici et l’ici de l’ailleurs, en quelque sorte…

Les textes qui suivent ont été écrits dans le cadre du module 6/5e dans la désormais « ancienne cour » de l’école Decroly. On y croise les vieux préfabriqués, les arbres, les bancs et les cailloux des petits chemins…

Plus précisément, ils ont été écrits lors d’une séance qui consistait à décrire l’espace autour de soi à partir de son point de vue. Dans un premier texte, en classe, les enfants décrivaient d’abord l’espace depuis leur place. Dans un deuxième texte, ils devaient choisir un endroit dans la cour et, là encore, décrire ce qu’ils voyaient depuis ce point de vue. Ils ne devaient pas changer de place. Nous avons appelé ces textes « Vues d’ici ». Il fallait prendre en compte son propre corps dans l’espace et situer les choses par rapport à lui. L’enjeu était de décrire le plus précisément possible. Après la séance d’écriture proprement dite, les textes ont été retravaillés : les enfants avaient pour consigne de varier les verbes d’observation, les tournures employées, d’éviter les répétition et de reprendre l’ordre des éléments décrits.

Cécile Antoir, Juin 2016

Vue d’ici

Je me suis installée dans l’encadrement d’une fenêtre, juste devant le bois là ou les chiens apprennent à guider les aveugles. Le 46 vient d’arriver pour ne rester que quelques secondes, déposer des gens, en prendre de nouveaux et repartir. Il y a plein d’arbres de toutes sortes, et de toutes les couleurs: certains sont jaunes, d’autres sont orange et quelques uns sont encore verts, résistant à l’hiver qui arrive à grands pas. En dessous du feuillage, des pelouse vertes elles-aussi. Plus près de moi, la grille sépare l’école de ce qui l’entoure. Des gens se sont installés devant: ils attendent peut-être leurs parents. Si je me penche un peu, je peux percevoir un immeuble ancien. J’aime m’imaginer l’intérieur, derrière la première fenêtre en haut à gauche, il y aurait une cuisine avec plein d’objets divers et variés, tous entassés dans des pots, des tiroirs, des armoires, ce serait rempli mais pas en désordre. Il n’y aurait pas de table – la pièce serait trop petite – seulement un bar qui séparerait le salon et la cuisine. Si je ressors de cet appartement, je peux entrevoir de grands arbres sur la gauche. Je vois des garçons devant, des petits, des grands et même des garçons de ma classe, ceux qui ont déjà fini leur travail, peut-être ont-ils écrit trop vite ou pas assez.
J’aimerais les rejoindre mais je préfère prendre le temps de contempler ce qui m’entoure, les arbres, la cantine, le bois, les gens…

Luce, 5e

Dans l’école Decroly

Je suis dans l’école, dans la cour, sur un puits en pierre, un peu surélevé, quelque chose comme 1m10, 1m20.
Juste en face, il y a un préfabriqué. En deuxième plan, je distingue un immeuble sur lequel  j’aperçois de la végétation. Si je tourne la tête à droite, j’admire un bel arbre et un buis au premier plan. Je continue de la tourner et je remarque l’immeuble principal de l’école : je suis à peine assez reculé pour le voir en entier.
Je me retourne complètement et j’aperçois juste les feuilles et les branches d’un arbre. En levant la tête, je vois un grand ciel bleu à travers les fines branches d’un arbre mort.
Au sol, je peux observer des centaines de milliers de cailloux mélangés aux feuilles mortes jaunes, rouges et marron.
Je me retourne : une table de ping-pong en pierre un peu cassée attire mon regard car on y entend rebondir une balle à temps égaux, un son régulier.
Des élèves, des adultes, des profs marchent, courent à travers mon regard.

Ici, je peux ressentir de l’émotion car ce point de vue, je le connais depuis mes 3 ans ; je le perçois chaque jour.

Tom, 5e

Dans la cour

Je suis au pied du grand arbre, assise dans un pneu noir cabossé de tous les côtés.
J’observe le toboggan et le soleil qui se reflète sur sa pente. J’examine la petite brouette rouge avec son manche jaune que je connais depuis la petite section…
Le soleil commence à me faire mal aux yeux.
J’espionne deux petits qui arrivent avec leurs deux vélos, un bleu et un jaune. Ils s’arrêtent, montent sur le toboggan, où une petite est assise sur son manteau rose, et crient : « A l’abordage ! » en levant le poing, puis glissent à plat ventre, les pieds en avant. Ils remontent sur leur vélo et partent.
Je scrute le grand sapin vert qui dépasse les grillages de l’école. Un deuxième sapin, plus petit, se joint à lui. Ses branches ne descendent pas, elles montent. Le soleil disparaît presque derrière la cantine.
À ma gauche, il y a un arbre dont le tronc est tordu. Je me souviens qu’on se cognait souvent la tête dessus. Des petites marchent et arrivent jusqu’à moi. Elles comptent : « 1,2,3… » en désignant les arbres.
Le soleil a presque complètement disparu maintenant.
Un pigeon passe et roucoule, mais les deux petits qui sont toujours sur leur vélo (jaune et bleu) arrivent et le font s’envoler. Manuelle crie : « C’est la fin de la récré ! » et tous les enfants s’en vont. C’est à ce moment que j’entends les oiseaux.
J’examine « en profondeur » le toboggan : son escalier en bois et son petit chapiteau formé de quatre branches beiges qui commencent à être sales, ses murs verts avec ses grosses vis noires bordées de rouge, sa descente jaune où le soleil ne se reflète plus.
Quatre « quatrièmes » s’envoient un ballon jaune en criant : « Vite, vite ! ».

Oxana L

Vu d’ici

Je suis assise sur les marches du grand bâtiment. Du côté des maternelles au dernier plan, je vois un mur peint. Juste avant ce mur, il y a des arbres, dont un qui a une branche tordue. A côté des arbres on trouve le toboggan des petits. Plus près de moi, j’aperçois des marches et des cailloux. Sur mon côté gauche, je remarque des préfabriqués peints par mes camarades il y a quelques années. Juste à côté, se trouve le secrétariat et la salle des profs. J’arrive à distinguer des feuilles accrochées aux vitres. Si je me lève, je peux voir d’autres préfabriqués jaunes aux contours bleus. Ça va me faire bizarre quand il y aura les travaux (s’il y en a !).

Mila, 6e

Mon point de vue de la cour

Je me tiens sur le deuxième banc à gauche de la classe des CE2 et à droite des trois poutres en bois où une dame  est assise sur la plus grande poutre. Sur la plus petite devant moi, se tient un monsieur, avec plein de sacs autour de lui dont je ne crois pas que ce soit tous les siens parce qu’il y en a au moins 5. Il est en train de parler avec le père d’un élève. Ils ne parlent pas en français parce que je ne comprends rien!
Un peu plus loin, un chemin en gravier passe du préfabriqué 3 à ma droite, au préfa 2 derrière moi. J’entends un avion qui vole au-dessus de l’arbre qui est à droite devant moi. Un petit garçon arrive dans ma direction et commence à jouer, crier, rigoler et courir en tous sens. Au loin, deux garçons s’amusent avec des pneus, la corde et l’échelle en bois. Avant, il y avait une vraie échelle en corde, mais on faisait n’importe quoi avec alors les profs l’ont supprimée. Des gouttes d’eau tombent du ciel mais les enfants  continuent à s’amuser. Des filles jouent sur les barres,  font des roues. Un peu plus à droite sur un rocher, se tient Tayn concentré sur son cahier. Dzovinar assise sur un pneu, écrit. Devant moi, à gauche derrière le puits, des garçons jouent au ping-pong. Je vois Cécile en train de parler à certains élèves, mais je n’entends pas ce qu’elle dit. Elle me regarde et marche vers moi. À présent, de grosses gouttes tombent sur mon cahier et forment de petites flaques avant de sécher. Le mot que je viens d’écrire disparaît petit à petit mais reste apparent. Cécile est maintenant devant moi et me dit qu’il faut qu’on rentre en classe. Les élèves se sont déjà levés et se dirigent vers les escaliers en bois, d’autres sont déjà partis et doivent être dans l’immeuble en train de monter les marches. Il pleut de plus en plus fort, tous les enfants se mettent à courir et je devrais en faire autant. Je ferme mon cahier, mets mon stylo dans ma trousse, remets ma veste rouge qui est un peu grande et je regarde une dernière fois les petits détails avant de rejoindre les filles de ma classe.

Pooja, 5e

Je suis assise sur le toboggan dans mon école. De là, j’entends le bruit des voitures qui roulent ou démarrent. J’entends aussi des enfants. Ils parlent. Parfois, je perçois leurs paroles, la plupart du temps je ne distingue par la conversation. Devant moi se dresse un grand bâtiment de trois étages. Je n’en vois qu’une partie.
J’aperçois également une classe dans la cours, avec des élèves qui ont l’air d’être agités.
Devant moi un très grand arbre, je ne saurais dire sa taille exacte, qui dépasse le bâtiment de trois étages. Il n’y a que des branches à sa cime. Dans un autre bâtiment, je vois une lumière allumée.
De là où je suis assise, je vois Zaccharie, un élève de ma classe. Il porte un bonnet multicolore et je distingue une tout petit bout de son tee-shirt  orange flou.
En face de moi, je regarde la montagne du zoo, une petite lumière rouge tout en haut clignote comme un oeil dans la nuit qui tombe.

Noémie, 6e