Frontières : le projet de 4e en 2015/2016

Le projet au collège Decroly est une activité qui a lieu pendant trois heures, une fois par semaine. Le thème de travail de l’année, et toujours commun à toutes les classes du collège, était: « Frontières ».   Cette année, en 4ème, il a concerné 39 enfants et deux enseignants.

Tout au long de l’année, il y a eu des allers-retours entre des propositions individuelles, de petits groupes ou du grand groupe des 39 enfants, entre des recherches d’informations, des observations, des réflexions à partir du vécu de chacun et des temps d’analyse et d’association ainsi que des travaux d’expression.

Pour commencer la réflexion sur ce thème, les deux enseignants ont demandé un premier travail rapide en binômes choisis par les enfants. La consigne était de noter par écrit deux ou trois phrases qui évoquaient une frontière ou des frontières. Les deux enseignants ont classé ces différentes phrases qui ont fait apparaître des frontières géographiques liées à l’actualité, des frontières psychiques, des frontières réelles, matérielles ou imaginaires, des frontières sociales, dans le temps… Une lecture collective en a été faite.

Les différentes frontières évoquées ont été réutilisées dans le travail en petits groupes de trois qui a suivi. Les enfants se sont, là encore, choisis. Ils ont réalisé un collage à partir d’images prises dans des revues ou catalogues et complétées, si nécessaire, par des dessins, en format A3, qui reprenait un ou plusieurs aspects du classement. Le groupe devait donner un titre à sa réalisation.

florencefrontiere01

Ensuite, chaque groupe a présenté son collage qui a été analysé en grand groupe. Ce temps d’analyse a pris plusieurs séances (jusqu’à début janvier) et a suscité de nombreuses discussions et réflexions qui ont permis d’aller au delà des intentions de départ des groupes. Lors de ces séances, à la fin de chaque analyse, les enfants proposaient des phrases qui approfondissaient ou introduisaient de nouvelles idées sur le thème de « frontières ».

florencefrontiere02

Une ou deux phrases par collage ont été retenues et affichées à la fin de l’année (exemples: « La frontière peut être un choix que l’on s’impose », « Une frontière qui continuerait à s’agrandir si l’on ne fait rien », « S’enfermer dans un faux bonheur ou penser qu’il est ailleurs »…)

Parallèlement, une école de Nouvelle-Zélande, qui assure ses enseignements en maori, nous a contactés par l’intermédiaire d’un parent de l’école début septembre pour partager un moment de vie avec un petit groupe de lycéens maoris en voyage en Europe pour leur dernière année scolaire à la mi-septembre. Plusieurs séances ont donc aussi été consacrées à organiser cette visite. Le groupe classe a décidé de la faire sous forme d’un grand pique-nique avec, au menu, des spécialités françaises.

Les enseignants ont aussi demandé au groupe de 4èmes de préparer des questions à poser sur leur mode de vie et sur ce que représentait pour eux le mot frontière. Un petit groupe en a fait la synthèse. Lors de cette journée, les échanges verbaux se sont surtout faits en anglais, les traductions maoris/anglais-français étant assurées par certains enfants, les enseignants et le parent ayant proposé cette rencontre. Les Maoris nous ont, de leur côté, présenté des chants, danses, des hakas et ont partagé leurs « prières » de bienvenue et d’au revoir.

Cette rencontre a permis d’aborder la langue comme frontière, l’appartenance à un territoire défini par la géographie, la langue, les coutumes et rituels…, de vivre des moments d’intense communication sans perception de frontières, notamment lors des prières.

florencefrontiere04

Plus tard dans l’année, suite à cette rencontre, une consigne d’écriture individuelle sur ce qu’était, pour chacun, son espace personnel, a été donnée.

Dès la mi-novembre, au cours des séances d’analyse des collages, les enseignants ont lancé l’idée d’interviewer des personnes ayant fui un pays ou traversé une ou plusieurs frontières à un moment de leur vie.

Dans un premier temps, collectivement, les enfants ont proposé des personnes de leur famille (parents, grands-parents, arrière-grands-parents) ou amis de la famille en essayant de resituer dans quel contexte historiques les passages de frontières avaient eu lieu. Ensuite, ils ont pris des informations pour préciser le parcours de ces personnes.

Début janvier, nous avions une douzaine de propositions d’interviews.florencefrontiere05

Chacun s’est inscrit sur une proposition (certains enfants ont interviewé la personne qu’ils avaient proposée pour approfondir leur connaissance de leur histoire familiale, d’autres ont préféré découvrir d’autres parcours de vie). Au final, huit groupes d’interviews de quatre ou cinq enfants ont été constitués.

Chaque groupe a alors préparé des questions sur comment et pourquoi ils avaient quitté leur pays, sur les difficultés rencontrées pour partir et dans leur nouvelle vie, leur adaptation à ce nouveau pays, les différences de mode de vie et ce qu’il est resté de leur ancienne vie…Ils ont aussi demandé aux interviewés ce qu’évoquait le mot frontière ou quelle définition ils donneraient à ce mot.

Lors des interviews, qui ont eu lieu de mars à mai, chaque groupe s’est organisé pour prendre des notes et enregistrer les échanges (sur téléphone portable ou sur caméscope). Un groupe n’a pas réalisé l’interview de la personne proposée par manque d’organisation et d’entente, cependant, l’un de ses membres a réalisé, seul, l’interview d’une autre personne. Un autre groupe a bien interviewé la personne mais n’a pas exploité la rencontre car la situation annoncée ne correspondait pas finalement au thème. Chaque groupe a retranscrit son interview.

A la fin de l’année, à partir des sept comptes rendus d’interview, la classe a choisi de constituer un recueil. La collecte et la mise en page ainsi que la relecture a pris beaucoup de temps au petit groupe qui en avait la charge.
florencefrontiere08b

Juste avant les vacances de Noël, les enseignants ont montré le film de Michel Gondry, « La science des rêves », dans lequel réel et imaginaire sont tellement imbriqués qu’on ne distingue pas toujours la frontière entre ces deux mondes. Ce visionnage a été suivi d’une analyse individuelle écrite sur deux ou trois moments où le passage du réel aux rêves ou inversement est particulièrement flou et troublant pour le spectateur.

Ces textes ont été réutilisés en fin d’année pour les intégrer dans l’installation finale lors des journées portes ouvertes.

florencefrontiere09b

 

A partir de janvier, les enseignants ont proposé aux enfants de présenter à la classe un livre, un film, une chanson, un objet ou un sujet de discussion abordant le thème de frontières. Même si peu d’enfants se sont emparés de cet espace de parole, à la fin de l’année, deux enfants ont voulu intégrer dans l’installation finale ce moment en présentant le manga  «L’attaque des titans», le film «Argo», la chanson «Lampedusa» et l’exposé sur les tatouages et piercings .

florencefrontiere13
Installation sur les tatouages et piercing

Par ailleurs, des enfants, à titre personnel, avaient été voir deux spectacles,« Bouc de là» et «Ronde de nuit», à la Cartoucherie de Vincennes sur la vie de migrants qui attendent à un centre d’hébergement ou qui ont trouvé refuge dans un théâtre. Ils en ont fait un compte rendu à la classe. Ces spectacles ont donné l’idée d’installer une frontière, matérialisée par une porte en bois construite par un petit groupe d’enfants dans l’escalier conduisant aux deux salles exposant le travail de l’année lors des journées portes ouvertes. En franchissant cette porte, les visiteurs devaient présenter leurs papiers d’identité avant d’être « tamponnés ».

Parallèlement à la préparation des interviews, le travail d’écriture individuelle a été lancé en janvier sur « Mon espace personnel ». En lien avec l’idée de territoire qu’avaient défini les Maoris, les enseignants ont demandé que chacun décrive son espace personnel en précisant quelles en étaient les limites, qu’est-ce qui faisait ou non intrusion dans cet espace… et qu’ensuite ce texte soit affiché sous une forme le mettant en évidence. Ce travail s’est étalé jusqu’à la fin de l’année pour certains enfants.

florencefrontiere14b

En mars, les quatrièmes se sont rendus à l’exposition intitulée « Frontières » organisée par le musée de l’Immigration. Par groupes de quatre ou cinq constitués par les enseignants, ils ont répondu à un questionnaire commun à tous pour une partie de l’exposition (notamment sur les murs frontières), tandis que d’autres parties n’ont été questionnées que par certains groupes.

florencefrontiere16

Avant de visiter l’exposition munis de ce questionnaire, ils ont reçu la consigne d’écriture collective à réaliser au retour de cette sortie: raconter l’histoire d’un ou plusieurs migrants ayant franchi une ou plusieurs frontières, sous forme de BD ou de texte, illustré ou non, en se servant des informations et témoignages recueillis lors de la visite. Au départ, les groupes ont eu du mal à se mettre d’accord pour prendre des notes, choisir des éléments dans cette exposition très riche.
C’était la première fois de l’année qu’ils ne travaillaient pas avec des groupes d’affinité. L’écriture des histoires de migrants n’a pris corps qu’au moment de la classe verte lorsqu’il y a eu suffisamment de temps ensemble pour s’approprier vraiment ce travail. Les groupes ont alors très bien fonctionné.

florencefrontiere21b
Installation des différentes histoires de migrants lors des portes ouvertes, dont une carte retraçant les itinéraires de migrants.

 

La classe verte d’une semaine a eu lieu début mai au Pays Basque à Saint Etienne de Baïgorry. Le lieu a été choisi par les enseignants pour y réaliser des randonnées possibles de part et d’autre de la frontière franco-espagnole et pour ce territoire dont les frontières sont géographiquement visibles mais aussi bien cernées par la langue basque. Lors de cette classe verte, les consignes d’écriture, de croquis lors des randonnées ou à l’auberge ont permis d’approfondir d’autres aspects de l’idée de frontières.florencefrontiere23

Les enfants savaient qu’ils allaient faire de grandes randonnées en montagne. Nous leur avons demandé de mettre par écrit leurs appréhensions par rapport à ce séjour qu’elles soient liées aux contraintes d’une vie en collectivité ou qu’elles soient liées aux efforts physiques demandés pendant les randonnées dans un premier texte. En fin de séjour, ils ont par écrit fait le bilan sur ce qu’ils ont réellement vécu, réussi, rencontré comme difficultés… Ces deux textes ont été réunis sous le titre : dépassement de soi.

florencefrontiere24
Installation lors des portes ouvertes des deux textes sur le dépassement de soi (avant/après).

Par ailleurs, durant le séjour à l’auberge, les enfants ont réalisé des croquis ; le premier représentant différentes zones du paysage aux alentours en y mettant en évidence leurs limites ; le second, réalisé lors d’une randonnée, montrant un paysage en format panoramique avec plusieurs plans, du rapproché à l’infini.

La consigne d’écriture lors de la visite de Saint Jean Pied de Port consistait à se mettre à la place d’un habitant de cette ville, soit actuellement soit juste avant la construction des remparts, soit pendant la construction et de montrer comment étaient ressentis les remparts (protection, enfermement…)

florencefrontiere25
Présentation des textes d’écriture sur la vie dans les remparts de la ville de Saint Jean Pied de Port (ville visitée lors du séjour dans le Pays Basque)

Lors d’une pause en randonnée, les enfants, par petits groupes choisis, ont réalisé une composition qui devait répondre à deux consignes : intégrer leurs corps dans le paysage et montrer une frontière ou un franchissement de frontière. Ces mises en espace ont été photographiées.

florencefrontiere27

florencefrontiere30c

Suite à ces randonnées, ils ont également écrit un poème dont le titre était : «Au delà». Ces poèmes ont ensuite été associés aux croquis et à des photos de paysages pris durant la classe verte par un groupe d’enfants en fin d’année.

florencefrontiere33

A l’auberge, deux demi-journées ont été gardées pour écrire en petits groupes les histoires de migrants ou poursuivre, retravailler les consignes commencées lors des randonnées (textes et dessins).

florencefrontiere34

florencefrontiere35

Au retour de la classe verte, nous avons pris du temps pour finir toutes les consignes de travail ainsi que, pour certains, le texte sur « mon espace personnel ».

A la demande d’un parent de l’école, nous avons accueilli un petit groupe de femmes indiennes, originaires de plusieurs états de l’Inde et futures enseignantes de français. Nous les avons interviewées sur les séparations culturelles et sociales dans ce vaste pays. Nous avons à cette occasion reparlé des langues définissant un territoire, mais aussi abordé la question des castes, ce qu’il en reste actuellement, ainsi que les différences entre les hommes et les femmes dans cette société.

florencefrontiere36

Représentation sous forme de pyramides du système de castes traditionnel.

Avant la semaine dite de banalisation pour préparer les journées portes ouvertes, nous avons listé les différentes activités et travaux réalisés au cours de l’année en projet et réfléchi à comment les exploiter et les montrer. Il a alors été décidé collectivement de créer dans les deux salles de classes des 4èmes, deux univers: l’un évoquant des frontières liées au vécu des enfants, l’autre centré sur les frontières extérieures à soi. Avant de rentrer dans ces deux lieux, les visiteurs auraient à franchir une frontière (la porte avec présentation des papiers) et auraient comme première information, une fois la porte franchie, l’organigramme des différentes activités, réflexions menées et montrées sur ce thème.

florencefrontiere37

L’installation des deux salles. Les enfants, pour la plupart, ont été très autonomes et ont développé une bonne collaboration entre eux pour cette réalisation finale collective. Dans l’année, tous les moments de grand collectif demandaient beaucoup d’interventions de la part des enseignants pour maintenir l’écoute lors des échanges oraux malgré un intérêt certain pour les discussions et des interventions personnelles pertinentes. A cette occasion, ils ont pris en charge en petits groupes, les différents espaces en ayant en tête l’ensemble des réalisations et ont eu le sens du collectif.